Un profond silence nous enveloppe. Devant nous, d’un pas lent et balancé, les manteaux noirs regagnent la mer. Une longue marche les attend dans un paysage monochrome. Des kilomètres de banquise avant de pouvoir aller se nourrir dans la polynie (= zone d’eau libre de glace au milieu de la banquise).
Tout le monde le connaît, la star de l’Antarctique a séduit le grand public avec « La marche de l’empereur » (L. Jacquet).
De tous les animaux rencontrés ici, c’est sans doute le plus familier. Il suffit de s’asseoir et d’attendre calmement, parfois l’oiseau s’approche, nous analyse de son œil noir et brillant puis fini par repartir l’air désintéressé. Étrange sensation que d’être l’objet de la curiosité animale.
Si les Pétrels autres oiseaux de la Terre Adélie n’attirent pas toujours l’attention de mes camarades (quoique ma propagande ornitho commence à bien prendre), l’empereur lui, captive systématiquement. Chacun s’arrête en le croisant sur la banquise et échange un regard captivé, un instant amusé.
Le Manchot empereur est le plus grand de tous les manchots et n’est présent qu’en Antarctique. Alors que l’hiver s’est installé, que les températures basses et les vents glacials ont gelés l’océan faisant migrer tous les animaux terrestres (ou presque) en attendant le retour de l’été austral ; le manchot empereur revient pour se reproduire sur la banquise. Ce dernier point est assez exceptionnel puisqu’il fait de lui le seul vertébré terrestre à se reproduire durant l’hiver austral.
Après plusieurs semaines de parade et d’accouplement les premières pontes se laissent entrevoir. Il s’en suit la périlleuse passation de l’œuf, car le mâle va assurer seul l’incubation sur 2 mois pendant que la femelle va repartir en mer pour faire des réserves de nourriture. Durant ces deux mois d’incubation de l’œuf le mâle va jeûner ; véritable prouesse physiologique dans cet environnement glacial.
Conséquence directe de ce milieu extrême, les manchots empereurs n’ont pas de territoire et ne défendent aucun nid, ce qui est unique chez les oiseaux. Le grégarisme, la forte promiscuité et le mouvement régulier de la colonie sont essentiels pour lutter contre le froid et le vent. Pour ça les manchots forment des « tortues », analogie avec les formations romaines, en se blottissant les uns contre les autres. Ce comportement permet la thermorégulation sociale, une adaptation comportementale. Au milieu de la tortue la température peut monter jusqu’à 30°C !
La taille et la masse importante du manchot empereur (1m20 pour 40kg) induisent une croissance et un élevage plus long du poussin en comparaison à de plus petits manchots ce qui l’oblige à commencer son cycle de reproduction au cœur de l’hiver pour que le poussin soit prêt à partir au moment du pic de ressources et de la débâcle (= dislocation de la banquise) qui interviendront d’ici 6 mois, au début de l’été.
Dans un mois les premiers œufs devraient éclore annonçant les premiers poussins et le retour des femelles.
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