Le mois d’août est passé sur DDU aussi vite que le vent qui l’a particulièrement animé. En effet, catabatique, blizzard et froid ont mis nos corps à l’épreuve au cours des sorties effectuées ces dernières semaines.
La rookerie (=colonie d’oiseaux) de Manchots empereurs située sur le Nunatak, un mont rocheux enlacé par le glacier, est particulièrement exposée, et ce jour et nuit. Ces conditions difficiles n’ont pas empêché les poussins sortis de l’œuf en juillet de grandir.
De 300g à l’éclosion, ils atteindront en moyenne 15kg d’ici novembre. Conditions extrêmes et phénologie obligent, ils vont multiplier leur poids par 50 en l’espace de 4 mois afin d’être prêt à rejoindre l’océan au moment du pic de ressources alimentaires. De quoi faire rougir les haltérophiles dans leur prise de masse. Dans la nature, tout est affaire de calendrier.
Il leur faudra pour cela surmonter quelques obstacles ; les tempêtes et leur violent vents catabatiques, le harcèlement d’autres adultes ayant perdu leur poussin et qui, bourré d’hormones de soins parentaux, voudrons à tout prix voler un poussin et enfin, la terreur venue du ciel : le Pétrel géant Antarctique (Macronectes giganteus).
Ce grand oiseau marin n’inspirait déjà pas la grâce auprès de mes camarades hivernants, mais voilà qu’il dévore maintenant les peluches de l’Antarctique avec son bec puissant et crochu. Guettant un moment d’inattention d’un manchot ou bien un poussin égaré, il saisit le jeune oiseau et le consomme à l’écart. Cette nourriture facile et riche arrive au bon moment, les Pétrels géants entameront bientôt la saison de reproduction à leur tour.
Pour redorer l’image de ce Procellaridé au regard glacial, rappelons que dans tout écosystème il est question de sélection et de prédation, les manchots eux même pêchant des poissons, calamars et krill.
Les plus attentifs auront remarqué la bague posée à la patte droite du Pétrel, celui-ci a été équipé lorsqu'il était lui-même poussin. Un coup d’œil dans la base de données et je constate que cet oiseau a 17 ans ! Autant dire qu'il est rodé et qu'il sait à quel moment venir cueillir les poussins de manchots.
Pendant ce temps les adultes Manchots empereurs continuent inlassablement leur aller et retour entre la mer et la colonie, affrontant plusieurs kilomètres de banquise avant de retrouver l’eau libre. Leur témérité face aux conditions force l'admiration.
