Étendu sur la banquise, les yeux fermés et la respiration profonde, c’est à peine s’il se réveille lorsqu’on le croise. Les phoques de Weddell sont communs en Terre Adélie et on peut facilement les observer roupiller sur la glace autour de la base. Ce sont des mammifères imposants mesurant entre 2m50 et 3m20 pour 300 à 400kg en moyenne. Sur la banquise ces animaux semblent se traîner avec difficulté sous leur propre poids. En revanche, sous l’eau, ce sont d’incroyables plongeurs. Ils sont capables de rester jusqu’à 70min en apnée et descendre entre 200 et 600m de profondeur. Inféodée à la banquise, cette espèce de phoque dépend directement de la glace de mer pour mettre bas et se reposer.
Les modèles bio-climatiques prévoient à l’échelle du continent Antarctique des changements climatiques majeurs d’ici les quinze prochaines années, donc une potentielle modification de leur habitat. C’est pourquoi la démographie des phoques présents en Terre Adélie est suivie. On rentre dans ce qu’on nomme en biologie « la dynamique de population ». Cette année cela fait partie de mes missions de terrain. L’objectif est de pouvoir reconnaître d’année en année chaque individu afin de collecter à l’avenir des données « à son nom ». On a donc besoin d’une carte d’identité. Pour ça j’utilise un « transpondeur », c’est une sorte de petite puce électrique que je leur injecte sous la peau et qui fournit un identifiant unique auquel on associe des données type sexe, taille et poids (lorsque c’est fait à la naissance). Ils la garderont toute leur vie. Ainsi lorsqu’on croise un phoque on peut le contrôler en passant un lecteur à côté, son identifiant s’affiche et on peut ensuite le retrouver dans notre base de données. Avec le temps on en sait un peu plus sur chaque individu et sur la population. Le transpondage nous permet également de connaître la filiation, par exemple que le phoque A est le descendant du phoque B etc…
Cette année j’ai également pu aider des collègues qui ont équipé sept phoques avec des balises satellites !
Lorsqu’ils plongent, les phoques on accès à un tout autre monde, un monde que nous connaissons trop peu. L’océan Austral est vaste, isolé et lointain. C’est pourquoi les phoques sont des alliés parfaits pour collecter des données océanographiques pour nous.
Lorsque l’animal est sous l'eau les balises s’activent automatiquement et enregistre la pression, la salinité, la température de l’eau, la lumière et la fluorescence (= un indice de l’activité en phytoplancton). En plus de ça, les balises enregistrent les profils de plongée et le parcours/position de l’animal. Une fois que l’animal remonte à la surface, les données sont transmises par satellite (Argos) et reçues par les labos.
Toutes ces données sont précieuses et utiles pour comprendre la biologie de l’espèce mais aussi pour étudier l’océan Austral qui est l’un des principaux régulateurs de notre climat.
Les balises restent accrochées pendant 4 mois sur la tête de l’animal avant de tomber naturellement au moment où l’animal va muer (=renouveler son pelage) en février.
Ces balises sont ultra légères et ne restent sur l'animal que quatre mois.
Grâce à cette technologie on peut étudier le comportement de l’animal et son environnement pendant que les données récoltées par le phoque peuvent être utilisées pour d’autres recherches (climat, physique, météo, océano…) dans une région polaire où il serait difficile et coûteux d’envoyer un bateau pour une campagne océanographique.
Trop génial ton blog Jimmy et ce post en particulier :)))